mercredi 5 avril 2017

FIFF 2017 - une compétition surprenante...

5ème jour du festival... les nuits sont définitivement trop courtes! Le café est devenu mon meilleur ami et je fonctionne au radar jusqu'à la première projection de la journée.

Je n'ai pas encore vu tous les films en compétition internationale, mais déjà, je peux dire que certains se dégagent clairement, tant sur le fond que sur la forme.

Je ne reviendrai pas sur OBSCURE de Soudade Kaadan, auquel j'ai déjà consacré une chronique complète. Cela dit, je vous encourage vivement à aller le voir! Il ne nous épargne pas grand chose au niveau émotionnel, mais c'est un film nécessaire qui apporte un éclairage fort sur le traumatisme qu'engendre les situations de guerre chez les enfants, mais également, au travers d'eux, chez les adultes. Clairement pour moi un candidat au prix du public.



Dans les autres films qui font la compétition internationale des longs métrages, deux autres films se dégagent pour le moment : THE STUDENT de Kirill Serebrennikov et DEAREST SISTER de Mattie Do. L'un est l'autre n'ont absolument rien en commun, mais sont, à mon humble avis, des perles dans leur genre respectif.

THE STUDENT tout d'abord. Si je devais le résumer en deux mots: brillant et provocateur! On nage en plein délire mystique. Bien que le film ne s'attache qu'au dogmatisme de l'église orthodoxe russe, le thème est universel et bien entendu applicable à toutes les religions du monde. Ce qui, au regard de l'actualité, résonne particulièrement fort, vous en conviendrez.

Vieniamin est un adolescent un peu perdu. Il vit avec sa mère, divorcée, qui a des relations avec son psychiatre, qui cumule trois jobs pour boucler les fins de mois. Il est à la recherche d'une certaine vérité. D'entrée, le réalisateur, Kirill Serebrennikov nous affiche la couleur: Vieniamin trouve son salut dans la religion. Le jeune homme cite en permanence des versets de la Bible, comme d'autres brandiraient des kalachnikov. La Bible, c'est son arme ultime. Il répond à toutes les situations auxquelles il est confronté en citant le lévitique ou les évangiles. Et n'oublions pas un soupçon d'antisémitisme, lorsqu'il apostrophe sa professeur de biologie, dont le nom a une consonance juive. Cette prof est d'ailleurs la seule qui ose ouvertement s'opposer à Vieniamin. qui remet tout en cause, de la théorie de l'évolution à l'émancipation féminine. En faisant cela, elle se marginalise petit à petit, suscitant même des envies de meurtres chez certains de ses élèves.



Vieniamin se pose en Messie, détenteur de la bonne parole. Mais cela se complique lorsqu'il se retrouve confronté, dans la relation avec son seul "disciple", à l'homosexualité, qui on le sait est fortement condamnée par la Bible. Vieniamin se trouve en proie à des pulsions violentes au-delà de l'imaginable.

L'opposition entre le pouvoir et l'individualité est aussi un des thèmes de ce film. Alors que la direction de l'établissement que fréquente Vieniamin condamne son comportement, mais pas son discours conservateur, la professeur de biologie tente, tant bien que mal, de faire de chaque adolescents des personnalités capables non seulement de discernement, mais également de réflexion personnelle.

De Messie, Vieniamin va devenir martyre... En soi, une fin louable pour toute personne fortement endoctrinée. Cela ne vous rappelle rien? Si si, je suis certaine que vous voyez très bien.

THE STUDENT est un film fort. Certaines séquences sont hautement provocatrices. Mais c'est ce que l'on demande au cinéma, non? Être bousculés dans nos certitudes, incités à la réflexion. THE STUDENT  met également en confrontation le dogmatisme, dans ce qu'il a de plus fou, et la foi, dans ce qu'elle peut avoir de plus noble, pour autant qu'elle soit appliquée dans la mesure du raisonnable. Et en toute honnêteté, raisonnable n'est pas vraiment le mot pour qualifier THE STUDENT. C'est un film hors-normes. Violent. Troublant. Ne le manquez pas!



Autre film , autre univers, mais pas moins intéressant, DEAREST SISTER de Mattie Do. Après la rigueur soviétique, nous voilà plongés dans la moiteur laotienne. Mattie Do est la première femme réalisatrice à tourner ses films entièrement au Laos. L'Asie du sud-est est une région du monde qui apprécie tout particulièrement les histoires de fantômes. Mattie Do ne fait pas exception. Car il s'agit là bien d'une histoire d'esprits pour être plus précise. Et autant vous dire que les esprits laotiens sont particulièrement perfides et manipulateurs.

Nok est une jeune femme qui vit dans un village pauvre et qui, pour s'extraire de la misère, va accepter d'aller prendre soin de sa cousine qui peu à peu perd la vue dans la capitale. Ana, la cousine donc, est mariée à un européen et vit dans une grande maison de haut standing, entourée de plusieurs serviteurs. Aucun d'entre eux n'est fiables d'ailleurs.



Ana est régulièrement sujette à des attaques de panique, lors desquelles elle voit des esprits et marmonne des mots, des chiffres, de façon incohérente. Lorsque Nok réalisera que les épisodes de panique de sa chère "sister" - terme affectueux qu'utilisent les deux protagonistes - vont être pour elle source de revenus inespérés, elle va les provoquer, faire en sorte qu'ils s'intensifient. C'est qu'elle est cupide la petit Nok! Jusqu'où cette relation perverse va-t-elle mener les deux jeunes femmes?

Bienvenue dans un film où la manipulation psychologique montre ses plus terribles travers. Superbement filmé, avec des ambiances grises et bleues relativement anxiogènes, DEAREST SISTER vous fera frissonner avec délice.



ST / 4 avril 2017




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