mercredi 16 mars 2016

FIFF 2016 : de la symbolique des cheveux


Les cheveux sont chargés d’une symbolique forte. Et cela remonte à la nuit des temps. Source de virilité pour les hommes – se souvenir de Samson et Dalila – et connotation hautement érotique chez les femmes. Les cheveux sont également le reflet de notre état de santé, physique et psychique. De grands bouleversements hormonaux et nous les perdons, lors de l’accouchement par exemple. Un petit coup de déprime et ils sont tout raplapla. Nous manquons de sommeil ? Ils deviennent ternes. Les cheveux sont ce que nous sommes, sans pour autant nous définir. Quoique. Les cheveux sont aussi, depuis toujours, un moyen d’expression : la hauteur des perruques indiquait le rang social aux XVI, XVII et XVIIIe siècles, les crânes rasés des skinheads marquent une prise de position vis-à-vis de la société, tout comme le refus de les couper fut une marque de rébellion de la part des hippies.

Dans la Grèce antique, les jeunes vierges arboraient une longue chevelure, dont elles se débarrassaient au moment du mariage, offrant leur chevelure aux déesses de la fécondité. C'est également un signe d'appartenance à un seul homme. De nos jours encore, changer de coupe de cheveux n’est pas anodin. Combien de femmes, lorsqu’elles se séparent coupent leurs cheveux, changent de couleur ? C’est affirmer à la face du monde qu’elles tirent un trait sur le passé et qu’elles sont prêtes à recommencer quelque chose de nouveau. Si on porte un chignon, on souhaite être prise au sérieux et donner une image forte et un peu sévère. Par contre, lors de rendez-vous amoureux, on préférera laisser nos cheveux libres, un peu fous.

Pour les femmes, encore plus que pour les hommes, les cheveux sont un attribut lié à la sexualité. A la libération, les femmes qui avaient osé coucher avec des nazis n’étaient-elles pas tondues ? Elles portaient sur elles les stigmates de la trahison envers la nation. Elles ont « fauté » avec leur sexe et c’est par les cheveux qu’on le signale.

Dans les textes religieux, les cheveux sont considérés comme une exhibition indécente de la sexualité, raison pour laquelle dans de nombreux textes, et pas seulement dans l’Islam, il est fortement recommandé aux femmes de se couvrir la tête. Combien de femmes encore aujourd’hui n’entrent pas dans un édifice religieux sans se couvrir la tête ? Hijab, chapeau, voilette, mantille… la liste est longue pour dissimuler ce qu’on ne saurait, devrait, voir.

Et la représentation des cheveux est aussi passée par le cinéma : coupe à la Louise Brooks, à la princesse Leia, le blond hitchcockien, perruques, chignons, shampoings, coupes improbables, peignages, coiffages, etc…

 

Tout ça pour en venir au film qui m’a bouleversée : HAIR de Mahmoud Ghaffari. Comme déjà énoncé plusieurs fois sur ce blog, le cinéma iranien est pour moi, un des plus beaux qui soit. Non seulement sur la forme, il est bien souvent artistiquement irréprochable, mais sur le fond. Faire un film en Iran, c’est un acte politique fort qui contraint bien des cinéastes à fuir leur pays, s’ils ne se retrouvent pas privés d’exercer leur art. Lorsqu’un film iranien arrive jusqu’à nous, cela tient presque toujours du miracle, mais également d’un courage à toute épreuve, de la part des cinéastes, mais également des programmateurs. Impossible de ne pas penser à Mania Akbari, Mohammed Rassoulof, Jafar Panahi ou encore dans le cas présent Mahmoud Ghaffari.

 

HAIR nous raconte l’histoire de trois athlètes sourdes et muettes. Elles pratiquent le karaté et rêvent de participer à une compétition internationale. Ce qui dans la majorité des pays ne poserait aucun souci, relève en Iran d’un véritable parcours du combattant. Même si la fédération iranienne n’y voit pas de contre-indications, elle oblige toutefois ses athlètes à porter une espèce de cagoule qui leur cache non seulement les cheveux, mais également la nuque et le cou. Oui, car elles seront filmées lors des concours et il ne faudrait pas qu’à la vue de leurs nuques les mâles occidentaux soient excités.

Le fait que ces athlètes soient sourdes et muettes est hautement symbolique. Elles représentent le peuple, muselé, qui ne peut se faire entendre. Le karaté n’est là qu’un prétexte pour exposer le non-droit à la parole des femmes, même si l’on sait que le sport de haut niveau est bien souvent, dans les pays soumis à des régimes politiques stricts, le seul espoir de quitter le pays. Les dialogues en langue des signes ne sont pas traduits. Et tant mieux. Cela donne au film une force dont on ne peut réellement saisir l’ampleur qu’en le voyant.
 
 

Sans vous en révéler plus, cela gâcherait la puissance de ce film, vous allez être témoins, non seulement d’un combat de femmes extraordinaire, mais également d’un choix radical. Un acte à la symbolique bouleversante. Une force émotionnelle que j’ai rarement vécue au cinéma. Pour ne rien vous cacher, j’étais presque en état de choc : je tremblais de l’intérieur et à l’extérieur, j’avais froid, je pleurais. La seule chose qui a un tant soit peu réussi à me rassurer, c’est la colère d’une des protagonistes. Lorsque la colère est le signe fort que l’on existe, que l’on est vivant.
 
 

S’il y a un film que vous devez voir sur les 4 derniers jours du FIFF, c’est celui-là. Oui, le cheveu est porteur d’un message, d’une identité. C’est une façon de s’affirmer. Si vous en doutiez, vous ressortirez de HAIR, en en étant  convaincus.

 

Prochaines projections


Hair : 16.03 12 :45 / 18.03 18h15

 

ST/15.03.2016

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