mardi 15 mars 2016

FIFF 2016: Cléopâtre et les mamans


Cléo de 5 à 7
« Cléopâtre, je vous idolâââââââââtre ! » Une seule petite phrase, prononcée par Michel Legrand, beau, jeune, filiforme et déjà tout en sourcils, et on comprend qui est Cléo. Une reine. Jeune chanteuse à succès, petite fille gâtée, entourée d’une cour de gens à son service. Un peu vaniteuse et capricieuse, on n’a pas beaucoup d’affection pour elle au départ.

Cléo de 5 à 7 commence en couleurs, celles du tarot d’une médium. Cléo veut connaître son avenir. Elle sort de chez son médecin. Elle a fait des prélèvements et est persuadée d’être atteinte d’une maladie et que ces jours sont comptés. Le passage chez la tarologue ne la rassure pas. Mais elle essaie tout de même de se convaincre que tant qu’elle est belle, et dix fois plus que les autres, elle n’est pas malade. Le film se poursuit en noir et blanc. Elle part pour une virée shopping avec son assistante. Son côté capricieux est ici mis en lumière. Cléo fait ce qu’elle veut, quand elle veut, comme elle veut. Elle est très superstitieuse. Cette superstition la prive de la chose la plus importante dans la vie, la spontanéité.

Cléo craque lorsqu’elle répète une chanson – Sans toi – prenant alors conscience des choses graves qu’elle raconte. Elle se voit déjà morte et enterrée, seule, laide et livide. Prise de colère, commence alors pour elle une déambulation dans les rues de Paris. Cette phrase, terrible, prononcée par Michel Legrand, alors que Cléo annonce qu’elle se sait condamnée : « Encore un truc pour qu’on dise qu’on t’aime »

Agnès Varda
 
Le film d’Agnès Varda se passe en temps réel. Deux heures de la vie d’une jeune femme qui se croit condamnée. La caméra virevoltante de Varda fait un pied de nez à la mort qui plane au-dessus de la tête de Cléo. Petit à petit, Cléo commence à quitter son nombril des yeux et à regarder les gens qui l’entourent. Elle comprend alors, en observant le quotidien d’inconnus, qu’elle est privilégiée et qu’elle n’a pas vraiment de raisons de se plaindre. Une rencontre va la changer à jamais. Un jeune soldat qui va devoir repartir faire la guerre en Algérie lui redonne goût à la vie et la force de se battre face à ce qui désormais sera sa destinée.

Un film sur la peur de la mort. Agnès Varda fait passer une émotion folle. Tantôt tout se précipite et nous laisse haletant, tantôt la cinéaste nous laisse le temps de reprendre notre souffle et de nous positionner face à nos propres peurs.

Le film contient un petit cadeau : un film burlesque mettant en scène de grands noms de la Nouvelle Vague : Jean-Luc Godard – sans lunettes – Anna Karina, Samy Frey, Jean-Claude Brialy. Ce petit film, visionné à travers une vitre de cabine de projection, était voué à distraire le spectateur. Varda avait peur qu’il s’ennuie. Mais comme elle dira dans un entretien au Monde : « Ce film reflète l'amitié qu'il pouvait y avoir entre les gens de la Nouvelle Vague, cette manière qu'on avait, même quand on traitait de sujets un peu graves, de toujours faire des films très vite, en s'amusant »
 
 

Cléo de 5 à 7 est le deuxième film d’Agnès Varda. Elle ne le considère pas comme un film de jeunesse, car « tout a été fait très sérieusement » comme elle le dit. Pour ma part, ce film me colle au cœur et je me surprends régulièrement à chanter la chanson phare… On ne se refait pas.

La mort, si proche phonétiquement de l’amour. Et quoi de plus beau que l’amour d’une mère ? Saliha est maman de 4 enfants. Son fils ainé est parti, un matin d’août, faire le jihad en Syrie. Il n’en est jamais revenu. Comment faire le deuil d’un enfant dont on ne verra jamais le corps ? Comment entamer un processus de reconstruction quand l’Etat ne reconnaît pas que vous avez perdu votre enfant ? Comment vivre avec ce doute : mon fils est présumé mort ? Ce qui ne laisse aucun doute, c’est le vide que laisse une telle disparition. Chambre vide, lit vide, famille amputée. Comment saisir l’ampleur de l’incompréhension de cette maman qui, pourtant attentive et aimante, n’a rien vu venir. Son fils, élevé avec tant d’amour, dans un contexte familial heureux, s’est laissé aveuglé par la folie religieuse. Saliha ne se tait pas. Elle monte aux barricades, veut que ses droits de maman en deuil soient reconnus. Elle veut connaître la vérité. Qui est derrière cet endoctrinement fou ? Comment et pourquoi, l’Etat laisse faire ?

C’est un récit courageux, un combat quotidien, et une grande souffrance que nous livre Jasna Krajinovic dans son documentaire The Empty Room. La réalisatrice, que les fribourgeois avaient eu le bonheur de découvrir dans la Carte Blanche des Frères Dardenne en 2013, avec Un été avec Anton ou encore La Chambre de Damien, propose une nouvelle fois une exploration de la survie. La famille de Sahlia doit fuir le quartier dans lequel elle vivait depuis de nombreuses années. Trop de pression, de menaces. Tout reconstruire, se battre pour défendre ses droits. Les droits les plus élémentaires, savoir ce qu’il est arrivé à leur fils et pourquoi ? Pouvoir, peut-être, entamer un processus de deuil que l’on sait déjà sans fin. On ne se remet pas de la mort d’un enfant. Quelle que soit les raisons de cette mort. Le cœur d’une maman ne se recolle jamais après avoir été ainsi brisé. Touchant, émouvant, éclairant.
 
The Empty Room
 

Derrière chaque grand homme, il y a une femme dit-on. Mais il y a surtout une maman. Celle qui éduque, qui inculque certaines valeurs, qui propose un chemin à suivre. Et même un des hommes les plus puissants du monde a une maman. Même Barack Obama. Elle s’appelle Stanley Ann Dunham. Oui, elle porte un nom de garçon. Le destin de cette femme ne pouvait qu’être atypique. Imaginez, une jeune femme américaine de 18 ans, qui tombe amoureuse d’un africain qui bénéfice d’une bourse d’étude à la fin des années 50. Certes leur amour se vit à Hawaï, mais elle est américaine. Une époque où le mariage interracial est illégal dans une grande partie des états américains. Elle tombera enceinte, se séparera, se mariera avec un indonésien. Une femme libre, curieuse du monde, soucieuse des humains, obsédée par l’éducation. Une femme brillante et libre. Une femme qui s’est engagée pour donner l’accès au microcrédit aux femmes. Une femme charismatique et chaleureuse, dont le rire résonnait partout où elle passait. Une femme qui rêvait, avec ses copines de collèges, d’un meilleur avenir pour les femmes. Elle se projetait déjà éthnologue au collège. Elle a toujours su que c’est ce qu’elle ferait.
 
Obama Mama
 
Basé sur des témoignages d’amis d’enfance, de personnes qui la côtoyaient de personnes avec lesquelles Stanley Ann Dunham a collaboré, d’images d’archives fascinantes, de petites phrases que son fils, Barack a écrit dans son autobiographie, Obama Mama de Vivan Norris nous propose de découvrir celle qui indirectement, par l’éducation qu’elle a offerte à son fils a changé la face du monde et a permis, peut-être, de faire naître une meilleure compréhension interraciale dans un pays qui manque de racines. Elle a peut-être fait un rêve, celui d’une plus grande tolérance et d’une plus grande ouverture au monde, en faisant preuve d’humanisme. Un portrait qui dépasse largement le biopic et qui nous offre, les rêves, les aspirations d’une femme qui, par ses valeurs a offert à l’Amérique un espoir: Barack Obama, 44ème président des Etats-Unis et premier président afro-américain.

 

Prochaines projections


Cléo de 5 à 7 : 19.03 17h

The Empty Room :  plus de projections

Obama Mama : 17.03 18h30

 

STS/14.03.2016

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